7 ème édition

7 ème édition

Pour cette septième édition, Nadine et Véronique  ont  voulu donner une autre couleur au week-end littéraire en invitant des artistes peintres, musiciens(nes), sculptrice à participer à la ronde inspirante, créative et collective que nous allions créer en ce beau week-end du  mois de juin 2021.

Le résultat fut magique

Merci à tous les participants venant de Dakar,  Warang, Ndangane, Nianing et l’association Trait d’union https://traitduniondakar.wordpress.com/

Café littéraire , un temps de parole partagé  autour de nos lectures, nos livres, nos revues,

animé par Véronique !  à 18 h à l’ombre du cocotier.

 

Livres présentés au café littéraire !

        

 

  • Une exposition de peintures dans la case ronde avec les artistes Dominique Cortiba, Mireille Goubert, et Badou Dieng. Des styles riches et différents qui ont été des  sources d’inspirations géniales  pour l’atelier d’écriture du dimanche matin et toutes  les personnes présentes à ce week-end !

  

Dans le jardin : totems et photos

Les totems réalisés par Nola étaient  disséminés dans le BENTENIER  réalisés à partir de  récupération de bouts de rien et de tout. Ils se tiennent debout fièrement et nous interpellent sur les traces de notre passage.  Les  grandes photos (impression sur  bâches) étaient posées sur le toit de paille comme un  grand merci au ciel !

 

                                             

                                                

En musique :

Marie Mirbach-diandy maître de chœur à Dakar a animé un atelier chant à plusieurs voix et  son amie Irina a joué un concert  de harpe celtique à l’apéro. Deux jeunes artistes enthousiastes, talentueuses  et motivées par ce qu’elles font et qui savent bien nous  le partager.

En soirée, le guitariste Rémy et le batteur Ndiaye ont animé une soirée très dansante aux rythmes sénégalais,  accompagné d’un buffet riche en saveurs et en couleurs préparé par le chef cuisinier Cheikh et son équipe!

 

concert de harpe celtique joué par Irina

        

 

         

      

Dimanche matin : ATELIER D’ECRITURE avec Véronique

Il ne va pas sans dire que ce panel d’artistes et cette ambiance festive et joyeuse  a contribué à rendre ce week-end littéraire encore plus vivifiant et les stylos avaient de la peine à contenir l’inspiration des participantes, le dimanche matin  à l’atelier d’écriture.

La proposition d’écriture  était

«  Aussi loin que je me souvienne, on ne m’a jamais appris à aimer. » Cette  proposition a pris appui sur le prologue du roman d’Elgas, Mâle noir, lu en entièrement à voix haute par Véro, une piste d’envol  pour dérouler notre inspiration.

L’écoute des textes, lus par les participantes  fut comme à l’habitude  un agréable moment de partage, de bienveillance  et d’émotion. Nous avons eu le plaisir d’écouter  le texte d’ Irina accompagné avec sa harpe celtique. Une nouveauté bien appréciée !

 

 

 

      Textes des participantes

Aussi loin que je me souvienne, on ne m’a jamais appris à aimer.
C’est quelques jours après seulement que je fis ce terrible constat. La solitude, ma solitude, je ne l’avais pas choisie. Elle était venue à moi, naturellement, sans crier gare, sans faire de vagues. Mon enfance avait été calme, partagée entre l’école et les devoirs. Pas d’amis, des parents travaillant beaucoup, pas de frère, pas de soeur. C’était ainsi. Et jusqu’à aujourd’hui. Je ne sais pas ce qui m’a poussé ce jour-là à m’arrêter devant cet homme et sa guitare. J’ai écouté sa musique, sa chanson, et j’ai continué mon chemin jusqu’à mon appartement, sentant petit à petit les larmes qui ruisselaient sur mes joues. A peine franchi le pas de la porte, je fus pris d’un terrible sanglot. Je ne sais pas combien de temps j’ai pleuré mais cela m’a paru une éternité. Je n’ai pas compris ce qui m’arrivait, perplexe et démuni face à un tel état. Moi pour qui les jours se succédaient, simples, pareils, pourrais-je dire sans saveur ? En tous cas sans question. Un peu comme cette expression « métro-boulot-dodo ».
Etait-ce possible qu’il existe autre chose ? Cette musique m’avait transpercé. Cette musique avait une brèche. Cette musique avait touché là où ça fait mal. Cette musique avait mis le doigt sur quelque chose que je ne soupçonnais pas : j’étais seul. Par habitude. Parce que je n’avais jamais rien connu d’autre. Parce que je n’avais jamais laissé la place pour que quelque chose d’autre arrive. Il existait donc des émotions. Ce n’était pas juste un concept.
C’est quelques jours après seulement que je fis ce terrible constat. J’étais seul, fade, vide. Je n’avais jamais donné, jamais reçu. Et maintenant, aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais appris à aimer.

Marie

Aussi loin que je me souvienne on ne m’a pas appris à aimer…

On ne m’à jamais parlé d’amour.

L’amour ? L’amour de quoi ? De qui?

L’amour du travail, oui! et encore que l’on n’employait pas le mot amour !

L’amour c’était une faiblesse, une perte de temps, et le temps servait à travailler…faire quelque chose…faire sans  cesse, les travaux de la maison, balayer, laver, essuyer, ranger et puis coudre broder, cuisiner,  jardiner, vendanger en septembre…

Comme si la vie était une punition et qu’il était  obligatoire de faire toutes ces tâches pour mériter de respirer !

Même Dieu que l’on devait prier tous les soirs au pied du lit ne parlait jamais d’amour, il ordonnait, jugeait, punissait.

Je ne comprenais rien. Et pourtant Dieu est amour disait le curé.

Alors j’ai aimé Jésus !

Il était si beau avec son regard bleu et doux et ses longs cheveux.

J’ai aimé les images, les images des vierges, des saintes bien rangées dans mon missile puis les images du dictionnaire, les peintures des grands maîtres et les cartes de géographie.

« Alors j’ai commencé à dessiner et à rêver de voyages ! »

Mais toujours personne qui parle d’amour.

Le jour de ma communion, toute vêtue de blanc, mon père m’a  serré très fort dans ses bras, ses yeux étaient mouillés, j’ai compris qu’il m’aimait, mais il ne l’a pas dit. On ne disait pas.

Et si peu habituée à de telles démonstrations d’affection j’en ai été mal à l’aise.

Je suis toujours mal à l’aise lorsqu’on me parle d’amour, mais je ne me prive pas d’aimer à la folie!

Mireille

 

« Aussi loin que je m’en souvienne on ne m’a jamais appris à aimer », dit-il… [1]

… Mais d’abord, peut-on apprendre à aimer ?

L’Amour, l’amour… Ah l’Amour ! Les histoires en sont pleines.
Les mythes, les contes, les livres, les films, les images… Il n’est question que de ça ! On tue par Amour. On se tue par amour. Ah ! Mourir d’aimer… Oui, aimer, c’est dangereux. C’est plutôt ça la leçon, non ?

 

Je ne sais pas, je ne sais plus. En tous cas, moi, ce Moi, hélas, bien à moi, ce petit Moi, si petit, si fini, si imparfait, c’est sûr, on ne m’a pas appris à l’aimer, en tous cas pas pour ce qu’il était.

… Comme lui, je me demande s’il faut-il plonger dans mon passé pour comprendre ?…

Du plus loin qu’il m’en souvienne, aimer c’est risqué. Risquer ?…

Oui, on aime, on aime, on aime et, un jour, on en souffre. Elle raconte. L’objet de son amour à elle, est parti à la guerre. Il n’en est jamais revenu. Il en est mort. Ailleurs, au loin… Tout seul, dans la boue, ai-je appris plus tard.. Il n’avait pas vingt ans. C’était pourtant le meilleur des grands frères.

Alors aimer, quand on sait ce que ça peut coûter, autant éviter…

Et maintenant, par moi, elle est mère. Surtout, ne pas se laisser aller à ces niaiseries, ne pas s’attendrir. L’enfant doit être propre, sain, bien nourri, bien élevé. On se durcit. Comme ces seins soudain gorgés de lait. Ne pas s’attendrir. Surtout. S’attendrir, c’est se ramollir. Un enfant doit être bien nourri et bien propre, bien éduqué… Bien travailler à l’école… Une fois qu’on a ça, on peut être sûr, au moins, d’avoir fait son devoir et, donc, d’avoir évité le pire. Ne pas s’attendrir. Voilà la consigne de base. Sinon, s’attendre au pire.

C’est ainsi que pensait ma mère. Est-ce ce qu’elle croyait devoir penser ? Que sais-je ?

Un demi siècle plus tard, un Alzheimer est venu à bon escient tout gommer de ses peurs, de ses pudeurs, de sa résistance. Alors, avant de s’en aller, elle osa, par les gestes, montrer tout son amour. Elle m’avait faite, j’étais sortie de son ventre, et quelle n’avait pas été sa surprise : elle, la brunette, la noiraude, elle avait eu un bébé d’une blancheur de lune et, cerise sur le gâteau, chose incroyable, ce bébé avait des yeux bleus ! Depuis toute petite, j’avais entendu ça « Tu as les yeux bleus…(elle traînait sur le « e »)… » et finissait par « Comme mon père ». Je sentais qu’elle en était toute émue.

Un demi siècle plus tard, oui, elle osa m’aimer sans rien demander, sans avoir besoin le dire…

Nous avions dû, alors, la confier à un Cantou, mes frères et sœurs répétant la consigne avec docilité, pugnacité. « Ne pas s’attendrir »… « C’est risqué de l’envoyer en Afrique »… Alors, on l’avait « mise à l’abri d’elle-même ». Dans une cage. Avec d’autres. Comme elle… Oublieuse oubliée…

 

« Tu as les yeux bleus,… » s’étonnait-elle en boucle, tous les jours, à chacune de mes visites. Et d’ajouter, en souriant « Comme mon père ! ».

Alors, me caressant la joue d’une main douce – si douce ! –, puis repoussant mes cheveux pour bien dégager mon visage, elle me regardait avec émerveillement.

Elle osait enfin montrer qu’elle m’aimait. Je crois que je le savais depuis toujours, mais, dit « comme ça » ça me faisait fondre. Du coup, moi aussi je l’aimais, en retour, cette petite maman devenue si fragile, si tendre. Et je lui donnais avec délice des caresses, comme à un enfant.

J’avais toujours été avide d’amour : pour en donner, pour le dire. « Je t’aime, maman ! », et elle riait de joie.

Voilà…

Je t’aime, I love you, Ich liebe Dich, Ma noop nalaa. Voilà, j’aime les gens, j’aime la vie. J’aime m’attendrir sur une image, sur des mots, sur une peau, une fleur, un enfant, un chien, un oiseau… La vie commence là. C’est cucul, peut-être, mais c’est comme ça.

Dominique

Aussi loin que me souvienne, on ne m’a jamais appris à aimer

JE PENSE

Je pense à toi, à nous, à vous, à toutes ceux et celles que j’aime.

Je pense à l’enfant à venir, à ma famille là-bas de l’autre côté de l’océan, aux amie(s) que je retrouve chaque été, aux lumières particulières de la Bretagne

J’ECRIS

J’écris des mots sur une partition, ils s’envolent et rejoignent le cœur des hommes.

Je ne sais pas si j’aurais le temps de finir la chanson, mais le rythme de la vie est joyeux, vivant, vivifiant et odorant

JE PARLE

Je parle le Français, le Breton, l’Arabe, le Sérère, le Wolof, le Peuhl, le Diola, toutes les langues vivantes qui viennent frapper à ma porte et transportent les sonorités chantantes de la vie, des coutumes, et des espoirs.

Je parle une langue imaginaire pour souhaiter les anniversaires

Je parle mal des fois et m’en excuse

Je parle, je parle, le parle

J’écoute, j’écoute

Silence !

JE PEINS

Je peins les lumières de la vie sur une toile imaginaire posée sur le chevalet de mes cultures, de mes émotions, de mes sensibilités et de mon amour pour les hommes

Je peins, je peins trois points à la ligne

….

Texte inspiré des peintures de Dominique Cortiba

Nadine

 

Aussi loin que je me souvienne, on ne m’a jamais appris à aimer.

Qui l’aurait pu ? Cette mère fatiguée, qui a dû hésiter à me laisser sur le bord du chemin, ne m’affublant que d’un prénom ?

Le nom de famille, Nom de Famille, famille ???, est venu plus tard.

Elle a dû penser, cette femme fatiguée, à force de penser « J’vais la garder. Je n’sais pas où la mettre. Mais…je n’sais pas quoi en faire… ? »

C’était tellement grand dans son coeur, « Je n’sais pas quoi en faire… ? », qu’elle n’a pas pu de toute sa vie, porter un peu d’attention à cette enfant.

La petite fille transparente, insignifiante a grandi, regardant ce monde étrange avec curiosité.

Apprendre à aimer, ça s’apprend ?

D’un coup, le cœur s’emballe ; C’est l’embrasement ! Je t’aime, tu m’aimes, on s’aime….

On se déz’aime…..

La vie avance.

La vie pose ses pieds, l’un après l’autre, pour te conduire vers ta finitude sur terre.

Je pose mes pieds l’un après l’autre sur cette terre sableuse…..Et chemin faisant, je la vois….cette boîte écrasée, malmenée, jetée sur la route, abandonnée.

Qu’elle est belle !…Tiens, et cette autre, elle est …..belle !….aussi. Et cette autre…

Je me baisse. Je les attrape.

Et avec beaucoup d’attention, de temps, d’amour ?  Je les lie, je les relie, je les couds avec des morceaux de fil de fer très fin.

Je leur redonne vie. Je les bichonne . Je les regarde.

Je dépose délicatement sur leur peau des touches de couleurs, de la poussière d’or.

Suis-je sur le chemin d’aimer ?

Nola

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